artiste complice

Amine Adjina et Émilie Prévosteau ont conçu une fable où le réel se brouille face à la puissance du virtuel. Décalé, drôle et profond, Projet Newman est de ces spectacles inclassables qui touchent au cœur.

Quatre jeunes adultes désemparés se réunissent. Leur mère, tombée amoureuse de Victor Newman, personnage phare de la série Les Feux de l’amour, s’est volatilisée. Elle est partie rejoindre son héros de fiction. La fratrie (une sœur, trois garçons) veut comprendre comment cette femme a pu préférer l’illusion du virtuel au tangible de la réalité. Chacun entre alors dans la peau maternelle, se costume, joue et se questionne jusqu’à semer le rire et le trouble. Entre monologues intimistes, parodie de telenovelas, tragicomédie familiale et show chorégraphique, la confusion des genres est totale. La collusion du vrai et du faux joue à plein régime et les acteurs usent des artifices illimités que permet le théâtre.
Tendre hommage à toutes ces femmes au foyer qui regardent quotidiennement les aventures amoureuses et rocambolesques de Victor Newman, ce spectacle s’appuie sur une réflexion du philosophe Günther Anders qui s’inquiétait de la mainmise des écrans de télévision « déréalisant »le rapport au concret et le besoin de contact. À son époque, Internet n’existait pas. Inutile de dire qu’au XXIe siècle ses thèses redoublent de pertinence ! Un spectacle qui fait du bien, inattendu, émouvant, intelligent.