Margaux Eskenazi et Alice Carré revisitent les liens entre la France et l’Algérie, des années 50 au début du XXIe siècle, et nous éclairent sur les dégâts créés par ce passé mal cicatrisé. Entre fiction intime et faits historiques, elles livrent un spectacle bouleversant.

Comment opérer une traversée humaine, politique, historique et intellectuelle de la guerre d’Algérie et de ses conséquences en activant ce que le théâtre a de plus sensible, c’est-à-dire son incroyable capacité à générer de l’émotion ? Comment entrelacer les destins des Algériens, des pieds-noirs, des harkis, des combattants de l’OAS ou du FLN et des jeunes de nos banlieues contemporaines sans cliché ni raccourci ? Ce spectacle polyphonique, écrit et mis en scène par Margaux Eskenazi et Alice Carré, est un modèle du genre. Ces deux artistes déploient sur une scène découpée par des voilages un portrait de groupe éclaté qui va et vient du passé au présent. Elles entrecroisent des histoires intimes profondément marquées par le conflit. Cette représentation, superbement jouée par un groupe de jeunes acteurs passant de rôle en rôle, est exaltante. On la quitte heureux. Parce qu’on a mieux compris la tragédie et les dégâts qu’aujourd’hui encore elle engendre, parce que l’intelligence de ce collectif vient non seulement d’un travail rigoureux et poétique, mais aussi du coeur, ce qui le rend profondément émouvant.